À la rencontre de Thomas Pelletier
Je m’appelle Thomas Pelletier, et je suis enseignant en Activités Physiques Adaptées (APA) au sein de l’Institut Ocens depuis août 2019. Cet institut accompagne des jeunes sourds, aveugles et porteurs de Troubles Spécifiques du Langage (TSL). Mon rôle s’articule autour de deux missions principales :
- La traduction et l’adaptation de l’éducation physique et sportive (EPS) dans une école primaire et un collège partenaire.
- La prise en charge spécialisée, en groupe ou individuellement, en fonction des besoins des jeunes.
Je collabore également avec des psychomotriciennes pour croiser nos expertises et enrichir nos pratiques, afin de mieux répondre aux besoins des jeunes.
Mon engagement pour le handisport en milieu scolaire
Durant ma formation à l’IRJS de Poitiers, j’ai appris à gérer des groupes et à accompagner des jeunes en situation de surdité. Aujourd’hui, au sein de l’Institut Ocens, j’entretiens des liens privilégiés avec le Comité Handisport, notamment pour l'organisation d'événements et de stages de vacances.
D’après mon expérience, le handisport en milieu scolaire peut être très enrichissant s'il est bien accompagné. La mixité entre valides et jeunes en situation de handicap est bénéfique, à condition que les activités soient adaptées et que les enseignants aient les compétences nécessaires. Malheureusement, certaines tentatives d'inclusion échouent par manque de formation ou d'adaptations pertinentes.
Lorsque toutes les conditions sont réunies, l'inclusion permet :
- De sensibiliser les jeunes au monde du handicap.
- De montrer que l'EPS diffère des pratiques de club, en mettant l'accent sur l'apprentissage plutôt que sur la compétition.
- De prouver qu'une personne en situation de handicap peut réaliser de nombreuses activités.
- D'apporter de nouvelles pratiques sportives dans le milieu scolaire.
L'adaptation des séances en fonction des niveaux scolaires
En primaire : une grande liberté pédagogique
Les institutrices étant souvent peu à l’aise avec l'EPS, j'ai la possibilité de proposer des cycles sportifs peu connus, comme le floorball. Ces activités permettent aux élèves valides de découvrir de nouvelles disciplines, tout en garantissant que les jeunes en situation de handicap ne soient pas en difficulté.
Au collège : des contraintes institutionnelles
Au collège, les programmes et les enseignants imposent certaines contraintes. Mon rôle consiste à proposer des contenus compatibles avec les attentes académiques, tout en assurant l'inclusion des jeunes en situation de handicap. Par exemple, si un enseignant doit faire pratiquer un sport collectif à des classes de 6ème comprenant des élèves sourds, je propose une activité adaptée que l'ensemble des enseignants puisse utiliser.
Les différentes réactions face au handicap
Du côté des élèves
Les réactions des élèves face à l'inclusion sont variées :
- Certains adorent partager ces moments et apprennent même la Langue des Signes Française (LSF) pour mieux communiquer.
- D'autres restent indifférents, jouant avec leurs camarades sans prendre en compte le handicap.
- Enfin, certains adoptent des comportements discriminatoires, refusant de jouer avec des jeunes en situation de handicap, voire les insultant.
Du côté des enseignants
Les enseignants adoptent différentes postures face à l'inclusion :
- Certains mettent le handicap au centre de leur approche, parfois au détriment des élèves valides.
- D'autres proposent des activités bien intentionnées mais peu adaptées.
- Certains ignorent les besoins spécifiques des jeunes en situation de handicap, imposant des consignes inadaptées.
L’implication des enseignants dépend souvent de leur sensibilité au sujet. Heureusement, de plus en plus d'entre eux cherchent à intégrer le handisport dans leurs pratiques.
Les freins à l'inclusion et les solutions
Le principal frein reste le manque de sensibilisation et l'intérêt variable des enseignants. Pour améliorer la situation, il est essentiel de laisser aux enseignants le choix d’accueillir ou non des élèves en situation de handicap dans leurs cours, afin de concentrer les efforts de formation sur ceux qui le souhaitent.
Un accompagnement par des professionnels qualifiés est indispensable pour structurer les pratiques et assurer une inclusion réussie. Travailler en binôme avec un spécialiste du handisport permet d'adapter les contenus tout en assurant une meilleure intégration.
Un exemple réussi : le Cross partagé 2025
Un projet marquant a été la participation d'une équipe mixte au Cross partagé 2025. Composée de deux jeunes entendants et de deux jeunes sourds, l'équipe a su s'adapter grâce à un système de course où chacun devait attendre ses coéquipiers pour avancer ensemble. Ce projet a créé des liens forts : les jeunes entendants ont appris la LSF, tandis que les jeunes sourds ont trouvé des stratégies pour mieux communiquer. Cette expérience s'est soldée par une quatrième place au championnat de France et des souvenirs inoubliables.
Un message aux écoles
Si vous hésitez encore à intégrer le handisport dans votre établissement, voici mon conseil :
- Engagez-vous uniquement si vous en avez vraiment envie. Un enseignant non motivé peut créer du malaise et nuire à l'inclusion.
- Osez sortir des sentiers battus ! Avec un accompagnement adapté, l'athlétisme avec un aveugle ou la danse avec des jeunes en fauteuil sont tout à fait réalisables.
- Profitez du handisport pour renouveler vos pratiques et découvrir de nouvelles disciplines.
- Enfin, faites-vous accompagner par des professionnels qualifiés et n'hésitez pas à contacter votre Comité Handisport régional pour structurer votre projet.
L'inclusion est une aventure enrichissante pour tous. Osez la tenter !